7 juillet 2021

Nos amies les cigognes

Par BoukiMouki

La cigogne, le symbole absolu de notre belle région l’Alsace !

Nous avons eu la chance de vivre durant deux ans à Oberbronn, un très joli village situé en Alsace du Nord. De nombreux nids jouxtent le parc à cigognes situé en son sein et juste à côté de notre domicile, et ce fut un bonheur de pouvoir les observer quotidiennement. Nous avons même eu la chance incroyable que les belles dames élisent domicile, en avril dernier, dans notre propre jardin, édifiant leur nid sur un sapin étêté par un gros coup de vent.

Le couple en reconnaissance sur notre sapin fin juin 2020

Comme vous le savez peut-être, la cigogne (Ciconia) est un échassier migrateur de la famille des Ciconiidés. Il existe plusieurs espèces, la plus connue étant la cigogne blanche (je rêve d’ailleurs de voir un jour une cigogne noire !!).

C’est une espère protégée et ceux qui auraient la très mauvaise idée de s’attaquer à un nid (en le détruisant – même vide – ou en perturbant la nidification) s’exposent à une amende bien méritée pouvant aller jusqu’à 15 000 € et/ou jusqu’à un an d’emprisonnement (article 415-3 du Code de l’environnement).

Le nid (fait d’un amas de branchages, de terre et d’herbes sèches) peut atteindre un diamètre de 2 mètres pour un poids pouvant lui atteindre plusieurs centaines de kilos ! Il est généralement érigé à plusieurs dizaines de mètre de haut, dans un espace dégagé de tout obstacle, sur une cheminée (ce qui s’avère dangereux pour les cigognes  mais aussi pour les habitants), sur la cime d’un arbre ou celle d’un pylône. Et depuis quelques années, elles ne boudent pas les structures spécialement installées pour elles par les communes.

On reconnait dame cigogne à son long bec et ses longues pattes oranges ainsi qu’à son plumage noir et blanc. Elle mesure environ 1 mètre pour une envergure, ailes déployées, de 1 mètre 60 et pèse entre 4 et 5 kilos. Les petits cigogneaux naissent, eux, avec un bec et des pattes noires.

Les cigognes sont monogames et reviennent chaque année dans le nid construit par le couple afin de s’y reproduire (une seule portée par an).

Elles se nourrissent de petits vertébrés comme les grenouilles, les souris etc… mais également  de vers et d’insectes : pour les débusquer, elles les dérangent et attendent ensuite qu’ils soient en mouvement pour les attraper avec leur long bec, un outil indispensable non seulement pour se nourrir, mais également pour la construction du nid.

Celui installé dans notre jardin a d’ailleurs été construit en 2 jours, mi mars (sans doute parce qu’elles étaient légèrement en retard sur la saison de reproduction, il fallait donc qu’elles se dépêchent pour être prêtes) : il était petit mais assez grand pour accueillir le couple. Évidemment, les futurs parents se sont activés au fur et à mesure pour l’agrandir afin d’y accueillir les trois petits cigogneaux qui sont nés par la suite (les bébés poulets, comme nous les avions surnommés).

Pour en revenir à la nourriture, malheureusement, la cigogne étant proche des hommes (mais toujours en gardant ses distances),  elle n’hésite pas à aller se nourrir dans les décharges, ce qui cause malheureusement la mort de certaines, qui confondent parfois un ver avec un morceau de plastique…

A la fin de l’été, recherchant la chaleur, les cigognes migrent, en groupe, généralement vers l’Afrique (elles se laissent porter par les courants chauds en planant, ce qui leur permet de faire ce si long voyage), mais depuis quelques années vers l’Espagne qui est moins loin. Et réchauffement climatique oblige, certaines se sont sédentarisées et restent toute l’année sur place. Elles reviennent en général courant fin février.

Nous avons ainsi pu voir notre couple de cigognes (venu en éclaireur à la fin de l’été dernier sur le fameux sapin) venir s’installer mi mars. Nous les avons surnommées Arwen et Aragorn (personnages emblématiques du « Seigneur des Anneaux » pour les connaisseurs). Et comme dit plus haut, le lendemain, le nid avait fait son apparition. Nous les avons observées apporter les branchages et divers matériaux et arranger tout ça avec leur long bec sur la cime du sapin étêté.

Nous avons ensuite assisté à plusieurs reprises à leurs ébats (très brefs !) et avons ainsi découvert un matin 3 œufs dans le nid ! Les parents les ont couvés à tour de rôle, sauf la nuit , réservée exclusivement à la femelle (difficilement reconnaissable d’ailleurs tellement ils se ressemblent – le mâle étant légèrement plus grand que sa dame).

Arwen couve…

Et c’est une quarantaine de jours après que nous avons vu émerger 3 petites têtes dans le nid : les petits étaient nés :  Ambroisie, Fuselle et Soupir (Les Moires – The Witcher).

Les parents nourrissent les petits d’abord au bec, en régurgitant de la nourriture (c’est également de cette manière qu’ils leur donnent à boire) pour déposer ensuite la nourriture régurgitée directement dans le nid.

Nous avons aussi pu observer, mais sans en être certains, que les parents apprennent à leurs petits à construire le nid : nous avons en effet pu voir plusieurs fois la maman apporter une touffe de paille, s’occuper de la placer aux endroits stratégiques avec son bec, puis les bébés reproduire les mêmes gestes avec le leur. Adorable !

Par contre, les cigogneaux apprennent à voler seul, sans doute en imitant leurs parents ; c’est très rigolo et attendrissant de les voir d’abord déplier leurs ailes, maladroitement puis avec plus d’assurance, de les battre pour les muscler, puis de sautiller sur place pour arriver ensuite à planer au-dessus du  nid. Une fois prêts (au bout de 2 mois/2 mois et demi), ils vont chercher leur nourriture eux-mêmes, les parents s’absentant de plus en plus régulièrement du  nid pour que leur progéniture prenne son envol (c’est le cas de le dire !).

En parlant de mime, j’ai aussi pu voir les petits ( une seule fois) imiter leurs parents et caqueter la tête en arrière (c’est ainsi que les couples se saluent en intégrant le nid, après la chasse par exemple, ou pour dissuader ceux qui s’approcheraient de trop près). Les cigognes ne chantent effectivement pas comme les oiseaux, et les petits émettent un drôle de son proche du grognement du chat.

Ces belles dames vont beaucoup nous manquer, elles faisaient en quelque sorte partie de notre famille et j’aurai beaucoup aimé voir les petits prendre leur envol… Je ne les oublierai en tout cas jamais et je suis heureuse d’avoir appris tant de choses en les observant !

En plus des photos qui illustrent cet article, voici quelques vidéos dont une prise il y a quelques semaines : j’avais déposé des morceaux de saucisses pour un chat errant que je nourrissais et qui vois-je en vérifiant par la fenêtre ? Madame cigogne venue y goutter ! Vous verrez qu’à la fin, elle remarque que je l’espionne et n’est pas contente du tout !!

Enfin, je termine cet article en vous laissant quelques légendes glanées ici ou là :

 « Si une cigogne s’est posée sur votre maison, elle devient Porte-Bonheur dans presque tous les domaines : fécondité et fidélité mais aussi richesse et santé, protection contre la foudre. »

 « Lorsqu’une jeune fille voit une cigogne à terre faire quelques pas à sa rencontre, c’est dit-on un signe de mariage dans l’année OU encore si une cigogne vole en rase-motte au-dessus d’une jeune femme, elle attendra un bébé dans l’année ».

Symbole de fertilité dans l’imagerie populaire d’Alsace, la cigogne est un oiseau de bon augure, et sa symbolique la plus célèbre l’associe aux naissances. D’après D. Lerch, la première trace de la légende de la cigogne porteuse de bébés remonterait à 1840. Elle nous est parvenue grâce à l’imagerie populaire du graveur J.-F. Wentzel : « Storick, Storick, stipper di Bein / Bring de Mamme a Bubbela heim […] » qui signifie « Cigogne, Cigogne cabre-toi / Apporte à maman un joli marmot.[…] » (voir la rubrique « un brin de poésie »)

Les Germains font de la cigogne la messagère de la déesse Holda, dont le rôle est de renvoyer dans le monde des vivants les âmes des défunts en les réincarnant. La cigogne, émissaire de la déesse serait chargée d’apporter des bébés aux parents qui en auraient exprimé le désir.

Après avoir passé commande, la future maman doit mettre quelques morceaux de sucre sur le rebord de la fenêtre pour attirer la cigogne. « L’oiseau va alors chercher le bambin auprès d’une source ou d’une mare, là où les lutins ramènent des profondeurs de la terre les âmes tombées du ciel avec la pluie, et réincarnées en nouveau-nés. Il semble que les cigognes, fréquentant les zones humides pour leurs besoins alimentaires, aient ainsi remplacé depuis le siècle dernier les lutins, qui étaient dans des temps plus anciens préposés à la livraison des bébés. »

Les légendes permettent parfois de travestir de façon poétique des sujets délicats à aborder pour certains parents, comme celui de la conception. Les enfants pouvaient ainsi s’entendre dire que leur maman avait été mordue par une cigogne lorsqu’ils demandaient pourquoi elle était alitée après la naissance du bébé.

Une autre croyance voudrait qu’elle ait volé autour de Jésus lors de sa crucifixion. Elle serait ainsi devenue un symbole de résurrection, de régénération. C’est dans ce sens qu’une cigogne qui volerait au-dessus d’une maison ou y construirait son nid serait annonciatrice d’une futur naissance.

Les premières légendes européennes sont bien plus anciennes. C’est en 400 avant J.-C. que les Grecs associent la cigogne, « pelargos », à la piété filiale, car on prétend qu’elle nourrit ses vieux parents. De là découla une loi du nom de « Pelargonia » qui obligea les enfants à s’occuper de leur parents.

Au Japon, la cigogne se confond avec la grue et apparaît comme un symbole de longévité voire d’immortalité. Elle pourrait atteindre un âge fabuleux. A 600 ans, elle arrêterait de manger et se contenterait de boire. A 2000 ans elle deviendrait noire. Avec le lièvre et le corbeau elle est un animal cher aux taoïstes.

Au Maroc, la croyance populaire considèrerait la cigogne comme un porte-bonheur. La légende raconte « que la cigogne serait un imam, un homme saint habillé de deux burnous, l’un noir et l’autre blanc. Un jour, au Sahara, l’imam manqua d’eau nécessaire à ses ablutions […]. Afin de ne pas manquer la prière, il utilisa le petit lait pour faire sa toilette commettant de ce fait un grave péché -le petit lait étant béni parce que rare dans ce pays désertique. Le Tout Puissant le métamorphosa en cet oiseau paisible et l’expédia […] au Maroc pour expier son péché. »